Tous les matins, nous nous levons. Nous déjeunons, nous nous lavons (pour la plupart). Puis nous partons pour notre journée d'activité, de travail. Les journées s'enchainent ainsi au rythme de la vie active ou de celui de la retraite. Tout cela, nous ne le faisons pas sans avoir créé certaines habitudes, sans avoir considéré les priorités à opérer du lever jusqu'au départ de notre logement, sans nous être un minimum organisés. Ce rituel matinal relève donc, dans une certaine mesure, de choix personnels sans cesse confirmés. Mais percevons-nous à quel point ces choix et la procédure mise en place influence notre journée, et à terme notre vie entière ? Dans quel état d'esprit nous levons-nous, avec quelles pensées, avec quel programme pour la journée ? Quels sont les soucis, petits ou grands, qui refont surface dès notre réveil ? Quels évènements passés se rappellent à notre bon souvenir ? Quelles projections vers le futur happent notre conscience ?
Comme nous lavons notre corps, nos cheveux, comme nous prenons soin de notre dimension physique, prenons-nous également le temps de soigner notre dimension intérieure, et de la revêtir des vêtements adéquats à une journée pleinement consciente et vécue ? Nous disposons pourtant pour cela d'une liberté absolue, qui est celle d'introduire dans notre rythme quotidien un autre rituel, dédié celui-là à notre intériorité. Bien sûr, au début, cela est difficile, car il nous faut modifier nos habitudes, nous lever plus tôt et donc peut-être nous coucher un peu plus tôt, alors que les écrans et autres activités récréatives nous appellent. Mais, au même titre que nous ne partirions sans doute pas travailler en pyjama, ni lavé, ni coiffé, nous pourrions, avec un peu d'effort, en venir rapidement à considérer ce nouveau rituel matinal comme essentiel à notre vie. Notamment dans la mesure où ce petit temps quotidien donne à notre journée un goût tout particulier, une saveur sereine irremplaçable. Nous pourrions également nous rendre compte que les difficultés du jour s'aplanissent d'elles-mêmes, ou tout au moins que nous disposons d'une meilleure disponibilité pour les résoudre. Les petits cadeaux quotidiens peuvent être multiples, si tant est qu'on veuille bien sacrifier quelques minutes d'oreiller ou de nos activités vespérales. Pour ceux et celles qui sont engagés depuis longtemps sur le Chemin, bien sûr, la question n'est plus là. La pratique matinale est impérative, nous rappelant sans cesse à nous-même, à ce qui est le plus essentiel et d'où tout s'écoule.
Avant d'en arriver là, il nous reste à faire ce choix. Celui de réviser nos priorités, et de laisser une chance à la plus fondamentale de toutes. Chaque nuit, pour ceux qui dorment tout au moins, nous quittons notre conscience habituelle, notre identité, notre moi. L'énergie se retire de nos sens et nous sombrons de façon cyclique dans une forme de néant, ponctuellement perturbée par nos rêves, comme des vagues survenant à la surface d'une mer d'huile. La pratique matinale n'est pas autre chose, dans un premier temps, que de découvrir cela en état de veille "contrôlé". Alors ce soir, mettons notre réveil 15mn plus tôt. Demain, lorsque nous nous réveillerons, avant de bouger et de sortir du lit, observons le retour progressif du moi, de nos perceptions physiques, de notre identité acquise, de nos mémoires, de nos projections. Et plutôt que de nous jeter dans la douche, de faire toujours les mêmes commentaires matinaux, d'ingurgiter le même excitant pour nous donner la force ou l'envie, gardons le silence et asseyons nous sur notre coussin de pratique ou dans notre lit, notre divan. Et respirons. Consciemment. Inspir-expir. Jusqu'à replonger au coeur de nous-même, dans cet espace profond et silencieux d'où tout émerge. Avec le temps, l'expérience, il nous viendra sûrement l'envie d'en faire plus, comme introduire dans notre pratique quotidienne un ou plusieurs autres axes du MP. Et d'allonger ainsi le temps alloué à notre exploration consciente. Cette hygiène intérieure nous sera sûrement devenue essentielle, nous plongeant sans cesse dans la grâce d'une saveur de vivre toujours renouvelée... et devenue vitale.
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