En avançant sur notre chemin personnel nous pouvons ressentir un intérêt croissant pour la paix. Cet état, qui s'apparente à une tranquillité d'âme, à un calme ou une sérénité intérieure, peut même devenir une recherche constante dans notre vie. La pratique du Mouvement Présent nous fait ainsi goûter une paix profonde, dont il est parfois douloureux de sortir, au contact du monde extérieur et de notre quotidien. Car avec un peu d'expérience, nous pouvons percevoir que l'agitation des désirs, la lutte pour les possessions et la réussite, la course vers notre bonheur matériel et relationnel, nous conduisent toujours, tôt ou tard, aux mêmes écueils et à la même insatisfaction, aux mêmes oppositions. Et que tout cela a un prix, qui peut parfois s'avérer élevé, voire nous coûter la Vie même. Bien sûr si nous n'avons pas encore compris ou vécu cela, c'est très bien, continuons !
En approfondissant la pratique, en allant au contact toujours renouvelé de cette paix intérieure, il peut nous sembler que la réponse à tous nos soucis, nos problèmes, préoccupations, souffrances, se trouve là. Au regard de cette paix profonde vécue pendant la pratique, notre activité quotidienne peut ainsi apparaitre désordonnée, agitée, et l'environnement nous sembler perturbant, bruyant, voire agressif. Il est alors facile de se réfugier dans la pratique en espérant calmer tout cela et éprouver encore plus de paix et de tranquillité. Or ceci peut conduire à approfondir encore la scission entre ce qui est vécu dans la pratique (donc en retrait du monde) et ce qui est vécu hors de la pratique (donc en contact au monde), à renforcer notre sentiment de séparation, cette fausse perception du moi coupé de son environnement, qui est en fait la source réelle de beaucoup de nos maux et des douleurs du monde. Certains font alors le choix d'une vie d'ascèse, de retrait social (couvent, monastère, âshram, érémitisme, ...), ce qui est tout à fait compréhensible. Pour ceux qui ne font pas ce choix, il reste donc à vivre jour après jour à partir de ce qui a été éprouvé comme une vérité essentielle lors de la pratique, ou d'une expérience spirituelle quelconque.
S'il est vrai que la pratique nous transforme, et que la paix vécue lors de la séance du matin influence et colore notre journée, l'instauration d'une paix durable ne semble pas aller sans un certain effort de conscience dans nos vies elles-mêmes. L'observation avisée et alerte de notre comportement est une continuité impérative de la pratique "in-vitro". Face à ce qui peut être perçu comme perturbateur nous pouvons esquisser 3 attitudes possibles :
Considérer qu'une action extérieure modificatrice est possible et agir,
Considérer qu'aucune action extérieure modificatrice n'est possible et subir,
Considérer que la source de cette perturbation est en nous-même.
La première attitude peut être rendue nécessaire par les circonstances, car revêtir un caractère immédiat et impératif (éducation des enfants, obligations professionnelles, menace de notre intégrité, ...). Mais nous pouvons aussi percevoir que cette modalité est l'attitude que nous privilégions très, trop, souvent, voire de façon systématique et sans conscience, car notre "nature" semble s'exprimer aisément dans l'action et la réaction aux stimulis extérieurs. Peut-être avons-nous commencé à faire le compte des impacts d'une telle attitude dans notre vie, sur nos relations, nos proches, notre vie sociale, professionnelle. Si c'est le cas, nous pouvons aspirer à plus de paix et à moins d'automatisme, pour notre bien et celui de notre entourage.
La seconde peut être également le fruit des circonstances. A bien y regarder, il n'y a pas tant de choses que cela sur lesquelles notre volonté puisse exercer son emprise (et tant mieux ?). Les voeux répétés de paix dans le monde, de fin de conflits militaires, qu'elles émanent de candidates de concours de beauté ou d'autorités religieuses ou internationales reconnues, ne semblent pas porter grand fruit. Ceci s'exprime également individuellement au quotidien, face à une multitude de petits tracas dont l'issue semble nous échapper. Subir et faire le dos rond en attendant mieux peut nous paraitre la seule option. Mais cette attitude, si elle est trop généralisée, peut également relever d'une volonté d'éviter les conflits, d'une peur de changement ou de tout autre refus de laisser s'écouler l'action à travers nous, ce qui peut conduire à des états dépressifs sévères. Il ne suffit pas de décider que quelque chose ne nous impacte pas pour que ce soit le cas. Nous pouvons alors aspirer à une capacité d'action sereine, pour notre bien, voire celui de notre entourage.
La troisième approche implique un changement de regard drastique et la prise de conscience que quel que soit le stimulus perturbateur, c'est bien en nous qu'il s'exprime, via nos organes des sens et notre cerveau. Et que c'est bien à travers la façon dont nous le considérons et le jugeons que ce stimulus prend l'ampleur qu'il prend pour nous et nous dérange, que ce soit la phrase malvenue d'un collègue ou d'un ami, le bruit d'un voisin en pleine nuit, la perte d'un travail, l'annonce ou la réalité vécue d'une maladie,... Tout finit toujours par arriver dans notre cerveau, et y être analysé et classé en problème à résoudre ou à subir. Et les expériences passées et/ou transmises, stockées dans nos mémoires, influencent grandement ces analyses et ces classements. Réaliser cela nécessite un pas de côté, une conscience aiguisée et une volonté de changer de regard. Ces qualités se développent par la pratique du MP et par un entrainement quotidien au contact de la vie et de ses aléas. Un travail thérapeutique peut également aider, en allégeant des mémoires traumatiques ou trop contraignantes.
Au bout du compte, agir ou ne pas agir peut se faire à partir de cette conscience profonde, de cette Présence en nous et que nous sommes, et que nous expérimentons dans la pratique. Tout change alors. L'action est menée parce qu'elle s'impose comme une réalité immédiate, et dans une certaine mesure détachée de ses conséquences. L'action juste à l'instant juste. Faire ce qu'il y à faire. Ou ne pas faire ce qu'il n'y a pas à faire. L'inaction juste pourrait-on dire. Cela passe difficilement par un raisonnement mental de plus, mais plus sûrement par un certain calme mental, laissant émerger des profondeurs une intuition agissante ou non agissante, mais consciente. De multiples errements seront sûrement vécus avant d'en arriver à cet état "simple et naturel". C'est sans doute très bien ainsi, et c'est ainsi, quoi qu'il en soit.
« Avant l’illumination, coupe du bois, transporte de l’eau. Après l’illumination, coupe du bois, transporte de l’eau. » citation Zen.
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